la pomme sans pépin
Le projet est né à l'American College de Paris en 1981. L'anecdote ici
encore est fondatrice. L'institution s'était dotée d'un ordinateur central, un
Harris 500 (?), mais les terminaux n'étaient pas en assez grand nombre et donc
les ressources peu exploitées. « L'intervention d'un jeune étudiant de
l'ACP, Howard Marks, lassé de faire la queue comme tous les étudiants pour
avoir accès aux terminaux encore trop peu nombreux, et demandant s'il lui
serait possible de relier son Apple II de chez lui au Harris, provoque l'idée
"Calvados" : permettre à d'autres Apple II de se connecter au Harris et de
leur proposer des services ». Le réseau est ainsi né sous l'auspice de la
Pomme et intègre dès le départ nombre de revendeurs et de passionnés. Apple,
bien que bienveillante à son égard et partenaire ponctuelle (ses clients se
verront proposer d'office les services de Calvados), se garda par la suite de
mettre des billes dans la société afin de lui éviter les pépins (ah ah).
recapitalisation et investissements
Que trouve-t-on chez Calvados ? De la messagerie, des forums, des
panneaux d'affichage (BBS, Bulletin Board System), du télédéchargement de
logiciels, puis les cours de la Bourse, des dépêches AFP ainsi que d'autres
services, certains accessibles simultanément sur le Minitel naissant. C'est en
1986 que, suite à une recapitalisation, on met de côté le nom d'origine pour le
plus pro « Calvacom ». S'ensuit une série d'investissements pas tous très
heureux, aux dires rétrospectifs de François Benveniste, qui allait prendre la
tête de la société en 1993. Les Cités thématiques font leur apparition,
comprenant chacune un forum, une bibliothèque, et une « convivialité »,
lieu de dialogue en direct. Le Mac perd son exclusivité puisque les PC et les
Minitel ont désormais droit eux aussi à Calva. Ce dernier demeure alors ce
mélange de communautés et de services professionnels à forte valeur ajoutée. On
compte en 1987 6 700 abonnés, dont 20% d'entreprises et 80% de particuliers).
C'est d'ailleurs au travers de ce service que Ariel Wizman fera découvrir
quelques années plus tard les autoroutes de l'information au lectorat
d'Actuel, dans un des premiers articles grand public consacré à la
question.
aînés américains
Comparé au coûts fixes du Minitel (et
à la gratuité de son terminal), la tarification de Calvacom demeure complexe
(installation, durée, services, communication) et nécessite de la part de
l'intéressé un réel investissement. Calvacom bénéficie de l'aura de ses aînés
américains, dont certains ne vont pas tarder à venir le concurrencer sur son
propre territoire : l'ancêtre Compuserve en 1993, le très grand public AOL
en 1996.
En 1995 est lancé Calvanet, un service dédié à l'accès à l'Internet doté d'une
tarification simplifiée (240 francs par mois puis 120 francs de l'heure de
connexion, sans compter les coûts France Telecom). Mais les premiers
« Fournisseurs d'accès à Internet (FAI), comme World-net, FranceNet ou
ImagiNet, imposent peu à peu le modèle de simple fournisseur de tuyaux :
les richesses du Web n'allaient pas tarder à rencontrer leur public...
Le site "officiel" de Lionel
Lumbroso, fondateur de Calvados (d'où sont tirées les deux illustrations de
ce billet)
Calvacom, un
réseau électronique à taille humaine (Cybertribes)
Publicités Calvados et Calvacom des années 80 (Apple collection)
PS : le titre est en forme de provocation, si vous connaissez ou avez
fréquenté (ou mieux encore fondé) la "première communauté virtuelle en France",
contactez-moi en m'envoyant un minimum d'infos.
1 De Lionel L. -
Ah, Olivier, merci d'avoir écrit ce billet qui résume bien l'histoire, et ravi d'avoir fait ta connaissance électroniquement à cette occasion !
En plus, c'est amusant de voir cette aventure assez primitive du online des années 80 évoquée par le responsable de toute la partie Service public français, qui est considérable, du méganet d'aujourd'hui, ce qui dit assez bien l'incroyable chemin parcouru.
Quant à ton titre qui se révèle être une gentille provoc, moi je mettais ou je mets "grand" pour couper court à la polémique, "la première grande communauté virtuelle française", comme je dis "le premier grand service télématique [ou 'online'] français" pour ne pas tricher avec le fait que la banque de données Eurodial avait lancé son service "grand public", Microdial, en 1981, quelques mois avant notre Service Calvados. ;)
Mais bref : je connais au moins un jeune de 14 ans à l'époque, Jean-Marc Royer (du célèbre "Solex Crack Band", hé hé), qui avait sa communauté virtuelle avant la nôtre, autour de 1982 (parce qu'on n'a pas eu les forums tout de suite -- d'ailleurs on manquait de personnel technique, il a fallu que je programme cette appli ! ;). Ça tournait sur son Apple II, avec un seul modem à 300 bauds donc un seul accès, ça s'appelait "Futura", et Jean-Marc avait développé cette analogie de la "cité" que nous lui avons reprise et il y avait de la vie dans Futura malgré l'accès unique ! Qu'il en soit ici félicité et remercié !
À bientôt,
Lionel
2 De OlivierR -
Salut Lionel, merci pour ton commentaire ; je sens que nous allons peut-être approfondir la quête des "premières communautés virtuelles françaises"...
Petit PS au passage : je ne suis heureusement pas "le responsable de toute la partie Service public français" (imagine l'avalanche de mails de contribuables furieux) mais uniquement un de ses maillons (solide j'espère). Olivier
3 De Louis van Proosdij -
Bonjour,
Quel bonheur de tomber sur cet article, et d'y trouver un commentaire de Lionel Lumbroso. Voyage dans le temps.
Je confirme que les premières communautés virtuelles remontent très loin, avec l'usage des tous premiers BBS. Le Solex Crack Band est un des premier, mais on doit pouvoir trouver plus vieux dans l'univers de l'Apple II et de ses hackeurs. Il faut que je fasse un travail de mémoire, mais dès 81 voire 80 on utilisait des premiers BBS. Je ne sais pas si "Laurent Rueil" et "Aldo Reset" firent déjà usage des BBS, mais les "Numéro 6", "Lot", "Godfather", "Mister Z", etc..... oui ;o)
4 De Nena Fastic -
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